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lundi 5 juin 2017

"Paratge e Convivéncia" ou promouvoir le "vivre ensemble"

"Paratge e Convivéncia"

"Paratge e Convivéncia", je sais d'où je viens, je sais qui je suis, et je suis curieux de te connaitre, de savoir ce que tu peux m'apporter. Et réciproquement. 


   La promotion du "vivre ensemble" par nos institutions dans le contexte actuel du cosmopolitisme urbain de nos sociétés occidentales est louable. Nécessaire même. L'Occitanie prouve que ledit modèle est viable. En effet, de par sa position géographique, carrefour migratoire au cœur de l'Europe Occidentale, l'Occitanie est une terre traditionnelle d'accueil de toutes les diasporas et ce, depuis les temps les plus reculés de l'Humanité : "Paratge e Convivéncia", telle est notre devise occitane depuis le Moyen Âge, une devise dont le sens est à rapprocher du "Égalité et Fraternité" repris beaucoup plus récemment par les institutions Françaises (Liberté-Égalité-Fraternité). 

   Ceci étant, un paramètre est omis par nos gouvernants d'Europe Occidentale : l'accueil des diasporas sur un territoire donné s'accompagne d'une parfaite intégration à condition que ledit territoire possède une culture forte, un socle identitaire solide. Dans ce contexte et sous condition de tolérance, de respect mutuel, l'apport migratoire devient alors une richesse supplémentaire, le "vivre ensemble", le partage et la convivialité ("Paratge e Convivéncia") prend alors ici tout son sens. 

   On constate aujourd'hui que, pour une raison démographique facile à comprendre, le cosmopolitisme supplante finalement l'identité indigène dans la plupart des grandes villes ; en République Française comme au Royaume Uni, l'identité indigène tend donc à disparaître exactement pour la même raison dans les mégapoles de ces deux États d'Europe Occidentale. C'est un fait, un simple constat. Il semblerait même qu'il s'agisse manifestement d'une évolution naturelle de la société Humaine urbaine qui fait que toutes les grandes villes du monde finissent par se ressembler. 

   Par contre, et c'est là où je veux en venir, en zone rurale où normalement la démographie n'altère pas les identités indigènes, ce sont les institutions elles-mêmes qui depuis deux siècles travaillent à l'éradication méthodique desdites identité autochtone ! c'est le cas au Royaume Uni dont les institutions encouragent depuis très longtemps une domination économique, sociale et culturelle Anglaise sur la nation Écossaise, sur l'Irlande et sur le Pays de Galles. C'est même beaucoup plus direct et assumé en République Française avec le modèle "jacobin" du rapport dominant-dominé Paris-Province sur l'Occitanie, la Bretagne et les zones frontalières périphériques (Corse, Alsace, Pays Basque, Flandre, Catalogne). 

   Pas la peine de préciser les motivations géopolitiques de cette politique d'éradication identitaire gouvernementale, qu'elle soit anglophile pour le Royaume Uni ou francophile pour la République Française. Le problème, c'est que la nature a horreur du vide : lorsque il n'y a plus d'identité indigène de référence, une identité de substitution prend sa place. On a bien compris que la finalité des gouvernants Anglais et Français était de substituer aux identités indigènes d'Écosse, d'Irlande, d'Occitanie ou de Bretagne leur propre identité comme référence culturelle exclusive. C'est une stratégie d'acculturation d'État qui a été plutôt efficace de la fin du XIXème siècle et le milieu du XXème. En revanche, on constate en ce début de XXIème siècle que les politiques gouvernementales d'éradication des fondements identitaires millénaires qui constituaient la richesse culturelle de l'Europe Occidentale conjugué avec une immigration de masse est un terreau favorable au communautarisme. Partant de là, de tristes sires tirent leur épingle du jeu et se servent de manière abjecte du "rejet de l'autre" pour exister politiquement. Voilà où nous en sommes... 

   Dès la fin du XIXème siècle, on a pu constater ici les premiers résultats de l'efficace politique d'acculturation Française : les habitants d'Occitanie (Auvergne, Dauphiné, Aquitaine et Provence compris), devenus orphelins de leur propre culture, ont adopté alors l'identité de substitution proposée lors du formatage scolaire ; un autre paramètre à prendre en compte : les institutions gouvernementales Françaises ont aussi sans doute joué sur le conflit des générations en opposant la "ringardise" de la culture d'òc ancrée dans un "passé médiéval poussiéreux" et inexistant sur le plan géopolitique à la dynamique et au progressisme du modèle Français qui à cette époque était à son apogée, la France (comme l'Angleterre d'ailleurs) étant à la tête d'un immense Empire colonial ; c'est ainsi que sous la IIIème République beaucoup d'Occitans ont fait de la surenchère dans l'adoption du séduisant modèle institutionnel républicain "jacobin" Français. Un exemple éloquent : bien que l'Occitanie soit à ce moment-là déjà moins peuplée que la moitié Nord de l'Hexagone, la majorité des présidents de la IIIème République Française en étaient originaires : Adolphe Thiers (Marseille), Marie-François Sadi Carnot (Limoges), Émile Loubet (Marsanne), Armand Fallières (Mézin), Gaston Doumergue (Aigues-Vives), Paul Doumer (Aurillac), six présidents de la IIIème République Française sont nés en Pays d'Òc ! Quant au patriotisme des Méridionaux "tombés pour la France" au moment de la Première Guerre Mondiale, il n'est plus à prouver. 

   Pourtant, durant la seconde moitié du XXème siècle, le modèle "jacobin" Français commence à montrer des signes de faiblesse, avec une évolution des mentalités : les générations d'après-guerre ont commencé à se tourner vers une nouvelle identité de substitution en adoptant pour partie les codes de la sous-culture Américaine. Il est plausible que cette évolution sociétale soit également liée au conflit des générations, les générations d'après-guerre finalement fantasmant sur le modèle Américain par rejet de celui francophile-chauvin (et gaulliste à ce moment-là) de leurs parents, modèle finalement un peu ringardisé à son tour (la roue tourne !). Là encore, ce phénomène social a été particulièrement flagrant en Occitanie, et même visible encore en ce début de XXIème siècle : il est éloquent de constater que les chanteurs populaires vivant aujourd'hui en Occitanie proposent dans la majorité des cas des compositions en anglais, la francophonie étant devenu l'apanage soit des artistes de la moitié Nord de l'Hexagone, soit, phénomène d'acculturation également intéressant, celui d'artistes urbains issus de l'immigration. 

   Aujourd'hui, le "vide culturel" de notre société Occitane à peine compensé par le fait que nous ayons (seulement) en commun le français standard comme langue véhiculaire d'usage fait le jeu de l'adoption par une partie de notre jeunesse en mal de repères d'une identité qui au fond (ils le savent bien) n'est pas la leur, mais qui est en revanche très concrète, avec des "valeurs fortes", une histoire bien réelle, et qui surtout est à la fois "exotique" et "virile", qui plus est d'accès facile avec les réseaux sociaux... D'autant plus accessible pour peu qu'il y ait implanté à proximité un "noyau communautaire" péri-urbain. 

   Lorsque il n'y a plus d'identité indigène de référence, une identité de substitution prend sa place. Du coup, la récupération de notre véritable histoire, de notre culture Occitane, Gasconne et Commingeoise à tous les échelons, à défaut d'être une panacée pourrait être au moins ici un vaccin contre le communautarisme : on ne se cherche pas une communauté d'adoption à partir du moment où l'on assume ses origines. Et le fait de se connaitre soi même évidemment n'empêche pas de s'intéresser aux autres. "Paratge e Convivéncia", je sais d'où je viens, je sais qui je suis, et je suis curieux de te connaitre, de savoir ce que tu peux m'apporter. Et réciproquement. 

   L'ouverture et l'échange sont enrichissants. Le repli communautariste, lui, est la plaie de l'Humanité. L'actualité malheureusement le prouve.

Jérôme PIQUES le 05/06/2017

"Paratge e Convivéncia" slogan occitan
Per la lenga occitana !

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